HISTORIQUE
DE LA NOTION DE MAJORITÉ
Majorité
matrimoniale et puberté légale en France
L'âge
de la "majorité" (moment où une personne est
considérée comme capable d'exercer ses droits sans
l'aide de ses parents ou de ses tuteurs) a varié suivant
les époques, suivant le sexe des individus concernés et
suivant sa finalité (capacité à se marier, capacité à
jouir de ses droits civiques et politiques...). Chez les
Romains, où l'homme était pubère à 14 ans et la femme
à 12 ans, les législateurs avaient prolongé la période
d'incapacité au delà de la puberté jusqu'à 25 ans.
En
FRANCE, malgré la diversité des coutumes,
l'influence du droit romain se fit
largement sentir, surtout à partir du XVIIe siècle. Il
était en général admis que "la pleine capacité
civile n'était atteinte qu'à 25 ans" (Arrêtés de
M. le P.P. de LAMOIGNON - 1702). Mais il y eu des
exceptions : toute personne "née" en NORMANDIE
était réputée majeure à 20 ans accomplis (Placitez du
Parlement de ROUEN de 1666 - article 38).
La
Révolution, favorable aux jeunes générations, abaissa
l'âge de la majorité à 21 ans (loi du 20 septembre
1792). Le Code Civil Napoléonien (loi du 30 ventôse An
XII) conserva le même âge et il fallu attendre la Ve République
et la loi du 5 juillet 1974 pour que la majorité soit
acquise à 18 ans.
LE
MARIAGE ET L'AGE DE LA MAJORITÉ
Le mariage étant un engagement des plus importants qu'un
homme et une femme prennent au cours de leur vie, la loi a
souvent exigé que le consentement des futurs époux soit
corroboré par la volonté familiale.
En droit romain, la puissance paternelle durait autant que
la vie du père. Mais il se fit, dans l'Empire romain même,
une lente réaction à ce principe à mesure que les
traditions romaines s'affaiblissaient : ainsi on permit
aux enfants de famille de se marier sans le consentement
de leurs parents. Cette réaction, commencée sous les
Empereurs païens, s'acheva à la fin du Moyen Age sous
l'influence de l'Eglise Catholique.
Les docteurs en droit canon avaient adopté très tôt la
doctrine de la validité du mariage sans l'assentiment du
père de famille et le Concile de TRENTE rendit définitive
cette doctrine dans sa XXIVe session en frappant d'anathème
les partisans de la nullité de ces mariages. Une tendance
constante du droit canonique fut toujours d'assurer la
liberté totale du mariage, ce qui ne manqua pas d'entraîner
des conflits entre l'Eglise et les pouvoirs temporels. En
France, les Parlements n'acceptèrent pas cette décision
de l'Eglise et, pour les mariages, maintinrent la nécessité
du consentement des parents. Toutefois, sauf quelques cas
isolés, ils ne conservèrent pas intact le système
romain et prirent un moyen terme : les mineurs de 25 ans
furent seuls astreints à obtenir le consentement de leurs
parents, les majeurs étant seulement tenus à obtenir
leur "conseil", et, en cas de refus, ils
pouvaient passer outre.
Les enfants qui se passaient du consentement de leurs
parents se mariaient ordinairement en secret. De là le
nom que l'on donna à ces mariages de "mariages
clandestins". Les "mariages clandestins"
devenant de plus en plus fréquents, les Rois de FRANCE établirent
contre eux une législation de plus en plus sévère. Un
édit de HENRI II, daté de février 1556, permit aux
parents "d'exhéréder" leurs enfants mariés
sans leur consentement.
Une ordonnance de 1639 déclara ces derniers déchus de
plein droit de tous leurs droits successoraux et de tous
les avantages provenant de testaments ainsi que de leur
contrat de mariage. D'autres part, certains Parlements
assimilèrent les "mariages clandestins" au rapt
et leur en appliquèrent les peines. Mais, malgré les
efforts de certains juristes laïcs tendant à faire déclarer
nuls et sans effets les "mariages clandestins",
la jurisprudence civile n'osa jamais aller plus loin : il
n'appartenait qu'à l'Eglise et à elle seule de prononcer
les annulations.
Le
Code Civil Napoléonien posa, pour le mariage, deux règles
:
1°) conformément à l'ancienne tradition coutumière, il
établit une majorité spéciale, la "majorité
matrimoniale", distincte de la "majorité
ordinaire" : les garçons avaient besoin du
consentement de leurs parents jusqu'à 25 ans et, tant
qu'ils n'avaient pas atteint cet âge, ils étaient réputés
"mineurs" quant au mariage. Pour les filles, au
contraire, la "majorité matrimoniale" coïncidait
avec la "majorité civile", soit 21 ans. Il a
fallu attendre la loi du 21 juin 1907 pour faire cesser
cette disparité.
2°) si les futurs époux qui avaient la "majorité
matrimoniale" pouvaient se marier sans autorisation
parentale, ils n'en étaient pas moins tenus par la loi de
demander le "conseil" de leurs parents ou de
leurs grands parents, ou, à défaut, de leur notifier
leur projet de mariage par des "actes
respectueux".
Cette formalité des "actes respectueux"
consistait pour l'enfant à adresser par trois fois à ses
ascendants une "sommation", non par voie
d'huissier mais par notaire, qui devait être rédigée en
termes "respectueux", d'où son nom. Si
l'ascendant persistait dans son opposition, son refus
n'empêchait pas le mariage : il entraînait seulement un
retard pour la célébration du mariage d'un mois pour
chaque acte. Le législateur espérait par ce moyen empêcher
des unions hâtives en donnant aux enfants, dominés par
une passion peut être passagère, le temps de réfléchir.
Mais ces "actes respectueux" ne produisaient pas
toujours, dans la pratique, l'effet attendu. Ils avaient
souvent pour résultat d'exaspérer des haines de famille
par les lenteurs et les scènes qu'ils provoquaient et
d'imposer aux notaires des missions désagréables.
La
loi du 20 juin 1907 remplaça "l'acte
respectueux" par la "notification du projet de
mariage", laquelle, suite aux aménagements prévus
par les lois des 28 avril 1922 et 17 juillet 1927, ne fût
plus nécessaire que dans un nombre limité de cas. Au fil
des ans, les conceptions individualistes modernes avaient
vidé peu à peu le système mis en place par le Code
Napoléonien de ses exigences d'origine. La loi du 2 février
1933 qui a rendu totalement libres les enfants majeurs de
se marier sans consentement parental fit disparaître ces
vestiges juridiques.
Il est à noter que, à toutes les époques, la présence
des parents à la célébration du mariage, qu'il soit
religieux ou civil, valait consentement exprès.
En résumé, en FRANCE, pour qu'un mariage sans
consentement parental exprès soit valable, il fallait :
1°) de 1556 au 19 septembre 1792, que l'époux ait plus
de trente ans et l'épouse plus de vingt cinq ans,
2°) du 20 septembre 1792 au 29 ventôse An XII, que l'époux
et l'épouse aient chacun plus de vingt et un ans,
3°) du 30 ventôse An XII au 20 juin 1907, que l'époux
ait plus de vingt cinq ans et l'épouse plus de vingt et
un ans,
4°) du 21 juin 1907 au 4 juillet 1974, que l'époux et l'épouse
aient chacun plus de vingt et un ans,
5°) et, depuis le 5 juillet 1974, que l'époux et l'épouse
aient chacun plus de dix huit ans.
AGE
DE LA PUBERTÉ LÉGALE
De tout temps, la puberté a été une condition au
mariage imposée par la nature et reprise, tant par le
droit canon que par la loi civile. 1°) jusqu'à la loi du
29 septembre 1792, l'âge minimum pour le mariage était
de douze ans pour les filles et de quatorze ans pour les
garçons,
2°) la période révolutionnaire (du 29 septembre 1792 au
29 ventôse An XII) le porta respectivement à treize ans
et à quinze ans,
3°) depuis le 30 ventôse An XII, l'âge de la
"puberté légale" n'a pas changé : il est de
quinze ans pour les filles et de dix huit ans pour les garçons.
L'Eglise, sous l'Ancien Régime, et l'Etat, depuis 1792,
se sont toujours réservé le droit d'accorder des
dispenses pour circonstances exceptionnelles. |