Pour
les anciens Celtes la nuit du 1er Novembre
marquait le début de l'année. C'était la nuit où il
n'y avait plus de frontières entre le monde des vivants
et le monde surnaturel, les esprits erraient sur la terre
et les hommes
pouvaient pénétrer au sein du royaume des Ombres.
Sans doute cette croyance explique l'importance accordée
par nos ancêtres Bretons à la Toussaint.
Tout le monde, après la messe, s'en va fleurir les tombes
de ceux de sa famille et jeter sur elles de l'eau bénite.
Toute la population assistait aux vêpres, Gousperou
an Anaon, les vêpres des morts, à l'issue desquelles
se déroulait la "procession du charnier". On
s'en allait, clergé en tête, jusqu'à
l'ossuaire, et
là, on chantait une interminable mélopée funèbre, Gwerz
ar Garnel.
Après cette cérémonie, chacun rentre chez soi parler de
ceux qui ne sont plus. Avant de se coucher, on recouvre
d'une nappe blanche la table, et on y dispose des crêpes,
du cidre et du lait caillé, à l'intention des trépassés
qui ont, cette nuit là, le privilège de revenir sur
terre et de revoir leurs anciennes demeures. Pendant toute
la nuit des morts, le feu doit rester allumé dans chaque
foyer, pour que les âmes puissent s'y chauffer, car elles
ont toujours froid. Aussi, avant de se mettre au lit,
a-t-on déposé dans l'âtre une énorme bûche, kef
an Anaon.
On ne doit pas suspendre de marmite au-dessus. Devant le
foyer, on a placé un banc, sur lequel aucun vivant ne
doit s'asseoir. Celui ou celle qui a accompli ces rites,
se couche en silence.
En bien des paroisses, le glas tinte sans arrêt jusqu'au
matin.
Soudain, du creux de la nuit, s'élève un chant d'une
tristesse poignante. Ce sont les mendiants du pays qui
vont chanter de porte en porte la "complainte des âmes",
Gwerz an Anaon.
Toute la maisonnée doit, dès qu'ils arrivent, se lever,
se mettre à genoux, et prier pour les trépassés. Il
convient aussi –on l'a déjà deviné- de faire une généreuse
aumône aux "chanteurs de la mort", qui sont
comme les ambassadeurs de l'Au-delà.
En quelques endroits, par exemple dans le pays Bigoudin,
ces chanteurs ne sont pas des pauvres, mais des groupes de
jeunes gens qui circulent en agitant les clochettes de l'église.
on les accueille en leur offrant une crêpe.
Souvent, ceux qui chantaient ainsi dans la nuit de la
Toussaint ont entendu dans les chemins des pas d'êtres
invisibles, et senti sur leur cou l'haleine glacée des âmes
qui se pressaient en foule derrière eux.
Le lendemain, au petit matin, la population se rend à la
messe des morts, et l'on dit que les défunts y assistent
aussi.
Quelques
coutumes locales :
A Douarnenez, les femmes qui, d'ordinaire, n'ont pas le
droit d'embarquer sur les bateaux de pêche, montent à
bord avec leurs maris, et, une fois quitté le port, récitent
des prières pour les "péris en mer" de leur
famille.
A Plougastel, le repas pour les âmes est fait de petits
pains mollets que le sacristain est allé vendre de porte
en porte, et que l'on a reçu en faisant le signe de
croix. Chacun donne pour ces petits pains le prix qu'il
peut : ce prix sera remis aux prêtres qui l'emploieront
en services et messe pour les défunts.
Il est à Plougastel une autre coutume de la Toussaint,
dont l'origine est antérieure au christianisme : l'arbre
des âmes, gwezenn an Anaon. Dans chacune des dix-huit
breuriez (confréries) qui se partagent la paroisse, on
met en adjudication, sur le placitre de la chapelle, un
tronc d'arbre hérissé de branches pointues sur les
lesquelles on a piqué des pommes. Les enchères sont portée
par ceux qui ont une prière à faire entendre, ou qui ont
été exaucés après avoir fait le vœu de se rendre acquéreurs.
Celui qui reste adjudicataire devient à son tour vendeur
et débite au détail les "pommes des âmes" :
non seulement celles de l'arbre, mais tout un lot qu'il se
procure en supplément, afin qu'il y en est pour tout le
monde. Après cette vente, il dépose l'arbre dans la
chapelle de la breuziez, ou le conserve dans sa maison
jusqu'à la Toussaint suivante. Il y piquera alors de
nouvelles pommes et le mettra à son tour aux enchères.