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Le
premier de tous, Georges de Soulas, représente l’Eglise au
Synode Provincial d’Ile de France, réuni à Claye en 1601, mais il
réside provisoirement à Melun. Sur ce premier acte officiel le
concernant, il est appelé Suissius, ailleurs Sovisse.
C’est
un homme "de petite stature, qui a le poil noir" d’après
un signalement établi alors qu’il était âgé d’une quarantaine
d’années.
Né
vers 1574, il était le petit-fils d’un gentilhomme massacré près
de Coligny, dont il avait été page, Lazare-Victorien de Soulas.
Ce
nom à consonance méridionale est en effet celui de localités
languedociennes ; cependant, il y avait en Brie un fief Soulas
dans la paroisse de Saint-Germain-lès-Couilly, et Georges de Soulas
aurait été seigneur de Primefosse, à Montalivet, et de Tau à
Touquin.
Il
était surnommé le Suisse, peut-être parce qu’il faisait fonction
d’aumônier auprès des soldats de la garde suisse appartenant aux
cantons protestants avec lesquels Henri IV conclut des traités
spéciaux
Le
quartier des Suisses, à Fontainebleau, est précisément du côté
des chemins qui mènent à Bois-le-Roi, près de la "Pointe"
(aujourd’hui place de l’Etape-aux-Vins) : quartier où l’on
marquait à la craie les maisons pour lesquelles les Suisses
recevaient un billet de logement pendant les séjours du roi.
Il
semble que Soulas préférait habiter Melun, Fontainebleau où,
plutôt encore Paris, car deux Synodes provinciaux, à Charenton,
"l’admonestent de demeurer à Bois-le-Roi, comme lieu de
bailliage".
Il
semble aussi que ce fut un assez triste personnage, essayant divers
moyens pour accroître le traitement pastoral. De bonne heure, on s’en
méfie, parmi les notables réformés. Dès 1605, Du Plessis Mornay
écrit : "Je ne sçai si vous avez sçu le soupçon où
on est de M. de Soulaz : il y en a des causes assez urgentes. Il
faut voir quelle en sera l’issue. Si parloit-il (sic) icy
bien éloigné de là".
Or,
dès 1606, il est secrètes négociations pour abjurer ; l’assemblée
du clergé lui octroie une pension de 400 livres par an. Il est vrai
que durant deux ans "il ne s’est présenté et n’a fait
aucune demande". Il mange, comme on dit communément, aux deux
râteliers. Grâce à l’intervention de Sully, l’Eglise de
Bois-le-Roi obtient du roi 500 livres de plus que ce à quoi elle n’avait
droit : ce qui attire un blâme des Synodes nationaux en 1607 et
1609. En 1612, il touchera auprès du receveur général du clergé
800 livres en une fois, et, dans la suite, jusqu’en 1617, nombre d’autres
"deniers" sous des formes diverses… Ayant quitté son
église "sans congé" régulier dans l’automne 1610, il
fut déposé par le Synode "malversations", abjura et reçu
de l’Assemblée du clergé une pension de 400 livres. Il écrivit
une Déclaration sur le sujet de sa conversion (1612) et, en
faveur de la du concile de Trente, un livre qui reçut en 1615, l’approbation
de la Sorbonne.
Sa
femme s’appelait Judith Donnay ; ils demeuraient à Paris, rue
Saint-Martin, lorsque fut baptisée à Saint-Nicolas-des-Champs, en
1615, un de leurs enfants, dont l’évêque de Verdun est le parrain.
Un autre devint un acteur célèbre sous le nom de Floridor : son
acte de baptême n’a pas été retrouvé dans les registres
catholiques. S’il est né en 1608, comme on l’a dit, il aurait
été baptisé au temple de Bois-le-Roi.
Le
Dauphin et son médecin protestant.
C’est
au temps où G. de Soulas était pasteur à Fontainebleau qu’y fut
baptisé le Dauphin. Sur ces mois de septembre, octobre et novembre
1606, nous sommes renseignés presque jour par jour, par le médecin
protestant Héroard, tendrement attaché à l’enfant royal, qu’il
accompagnera partout durant de longues années, et nous voyons quelles
places de premier plan assurent les huguenots à la Cour.
Parti
de Saint-Germain-en-Laye, en litière, le 9 septembre, le futur Louis
XIII arrive par Soisy-sur-Ecole au château de Fleury, le 12.
Le
lendemain, à une lieue de Fontainebleau, au nord des gorges de
Franchard, "quantité de noblesse" va l’attendre sur la
route, parmi laquelle maints gentilshommes protestants. Le précepteur
huguenot est très sobre de détails sur le baptême célébré, le
jeudi 14, par le cardinal de Gondy, "sous le poisle où estoient
les fonds". Nous avons dit comment le dôme du baptistère a
été probablement construit par S. de Brosse. Du 16 au 24, on va à
Cély, mais Héroard ne dit pas s’il a assisté au culte du 17. Peu
après, il faut que le roi vienne à Paris apaiser les fanatiques qui
sont allés troubler l’exercice du culte à Charenton.
En
novembre, la vieille princesse d’Orange, Louise de Coligny, fille de
l’Amiral et veuve de Guillaume le Taciturne, étant en visite au
château et sur le point de partir, le petit Dauphin lui fait demander
de rester. Elle demeura, "pour l’amour de luy". Le 12,
Lesdiguières, le vieil huguenot, amène les députés du Dauphiné
"faire la révérence" au roi et à son fils.
(…)
Le
second pasteur : Etienne de Courcelles |
Sous le
règne de Louis XIII, le premier pasteur de Fontainebleau succédant à
l’apostat Soulas, fut un théologien de valeur, Etienne de
Courcelles, né en 1586, d’une famille amiénoise réfugiée à
Genève. Sa femme s’appelait Jeanne Leblanc.
Il fit
de vaines démarches pour obtenir un lieu de culte plus commode, dans un
faubourg au nord de Fontainebleau. Voici ce qu’on peut lire dans un
manuscrit de la Bibliothèque Mazarine : Cahier des approches de
l’exercice plus près des villes, présenté au roi, à Tours, avec le
cahier général, le 12 septembre 1615 :
"Article
XV : D’accorder à ceux de la religion de Fontainebleau qui s’assemblent
en lieu grandement incommode, qu’il leur soit permis d’achepter une
place au lieu du Monceau pour y faire ledit exercice."
La
réponse est péremptoire :
"On
ne peut changer l’établissement cy-devant fait pour le regard de
Fontainebleau."
E. de
Courcelles exhorta, pendant sa dernière maladie, Louise de Coligny dont
nous avons signalé la présence quelques années auparavant. Restée
très française de cœur, habitant souvent en Gâtinais son château de
Châteaurenard, elle était venue traiter certaines affaires concernant
les Provinces Unies et Marie de Médicis l’avait invitée à un
séjour au palais de Fontainebleau.
Le 1er
novembre, elle est atteinte d’une pleurésie grave pour une femme de
soixante-cinq ans. Le 8, après avoir prié pour sa famille, elle fait
venir, à 23 heures, deux notaires bellifontains, Linceau et Morlon,
"gisant au lit, malade, saine toutefois de son esprit et
entendement", auxquels elle dicte son testament.
A une
veuve d’Avon, elle lègue 200 livres tournois ; "à l’église
réformée de Bois-le-Roi 50 livres pour estre ladite somme distribuée,
ordonnée et aumosnée aux pauvres nécessiteux, par les anciens et le
pasteur de ladite Eglise" ; "à M. Etienne de Courcelles,
ministre de l’Eglise réformée de Bois-le-Roy, 75 livres ".
Son cousin, Charles de Coligny, seigneur d’Andelot, était présent et
signe avec les notaires. Elle meurt cinq jours plus tard, le 13,
"en bonne chrétienne ".
Une
dernière clause du testament portait :
" Déclare
ladite dame qu’elle veut, quand il plaira à Dieu séparer son âme de
son corps, son dict corps estre porté en Hollande, près celui de feu
Mgr le prince d’Orange, son mari. "
Cette
volonté ne pouvant être exécutée en hiver, son corps embaumé sera,
au printemps suivant, transporté à Delft où l’inhumation aura lieu
en présence des Etats Généraux, un lundi de mai 1621.
(…)
Tant
aux Pays-Bas qu’en France, il y avait dans les Eglises réformées à
cette époque des dissentiments théologiques entre calvinistes et
" arminiens ", partisans des doctrines du Hollandais
Arminius, pour et contre la prédestination. E. de Courcelles, d’abord
élève de Th. de Bèze, n’avait cependant pas approuvé les articles
votés à Dodrecht, puis à Alais, renforçant la doctrine calvinienne
de la prédestination : il dut, en 1621, quitter l’Eglise de
Fontainebleau.
Un
curé melunais publia alors triomphalement une brochure
intitulée : La chasse donnée à M. E. de Courcelles, ministre
de la R.P.R. à Fontainebleau, lequel a été mis aux abois.
Le
troisième pasteur : F. de Prez (1623 ? –
1643 ?) |
Après avoir été mal
partagée quant à ses deux premiers pasteurs, l’Eglise de
Fontainebleau était enfin pourvue d’un troisième, qui exerça son
ministère une trentaine d’années. Son père était un gentilhomme
savoyard ; sa mère appartenait à la famille genevoise des
Mestrezat, dont un membre était également pasteur à Paris au temps de
Louis XIII.
En 1608, Pierre de Prez
avait obtenu de Henri IV des lettres de naturalité. Son fils aîné, Ferdinand,
nommé vers 1624, épousa la même année Anne Fournier, fille d’un
sculpteur, Gabriel Fournier, et de Marguerite Barthélemy. De cette
union naquirent deux fils, Louis et Jacques. Ils virent le
jour à Fontainebleau et devinrent eux aussi pasteurs.
(…)
Ferdinand
de Prez était aussi strictement calviniste que son prédécesseur l’était
peu : du moins est-il permis de le supposer puisqu’il envoya ses
fils faire leurs études aux Académies très orthodoxes de Genève et
Sedan.
Les
débuts de son séjour à Fontainebleau furent difficiles en raison des
troubles, jusqu’à l’édit de grâce, de 1629. Le 4 juillet 1625, on
vit arriver à Fontainebleau les députés du duc de Rohan, des villes
de La Rochelle, Montauban et Castres ; un " cahier
général " était présenté au roi. Le 25, M. de
Bouffard-Modiane recevait un passeport pour aller porter à Castres les
conditions de paix. Le légat Barberini, neveu du pape, s’y trouvait
peu après et parlait de " l’extirpation de l’hérésie ",
mais la politique pontificale au sujet des Grisons était alors
contrecarrée par Richelieu, qu’approuva fin septembre un
" Conseil extraordinaire des premiers du
royaume " : ducs et pairs, premiers présidents et
prélats, réunis dans le cabinet de l’Ovale.
En
1626, De Prez assiste au colloque de l’Ile de France. Fontainebleau,
dans l’organisation catholique, commençait seulement alors à
manifester une existence distincte de celle d’Avon, dont les Mathurins
desservaient la cure. Les premiers registres catholiques de baptêmes,
mariages et sépultures conservés aux Archives Départementales datent
de 1626.*
Après
l’édit de pacification de 1629, les protestants recommencent à être
mieux accueillis en Cour, et l’Eglise réformée, plus brillante
durant les séjours de celle-ci, continuait son existence, troublée
parfois par quelques " différends " et assez peu
empressée, parfois, à envoyer ses députés –le pasteur et un
ancien- aux sessions synodales (en 1626 et 1637).
Ferdinand
de Prez était encore " ministre de la Parole de Dieu et
demeurant à Fontainebleau " en 1641 : c’est ainsi qu’il
signe avec cette double mention, le 23 juin, un acte notarié. Mais,
vers la fin du règne de Louis XIII, son ministère est terminé ou
interrompu, dans des circonstances inconnues.*
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