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L’Eglise
Réformée de Bois-le-Roi
1600-1682
De
cette année 1600, et peut-être après la conférence du 4 mai, date
un acte des plus importants dans l’histoire du protestantisme à
Fontainebleau : la désignation d’un lieu de culte – ou,
comme on disait alors, un lieu d’exercice. D’après l’édit de
Nantes, il pouvait y en avoir un par baillage. A côté du temple, on
établit en général un cimetière.
Deux
commissaires furent nommés "pour l’exécution de l’édit" :
un catholique, le président Jeanin, un protestant, M. de
Montlouet, apparenté aux d’Angennes de Rambouillet.
A
mi-chemin entre Melun et Fontainebleau, à deux lieues environ de
chacune de ces villes, près de la route de Bourgogne (RD 138), leur
choix se porta sur un terrain dépendant de Bois-le-Roi. Ce village,
en 1564, comptait 928 habitants, parmi lesquels, peut-être, aucun
protestant. Mais ce point était assez central pour les protestants
disséminés dans le Melunais et le Gâtinais, ainsi que pour les
gentilshommes et autres huguenots qui suivaient la Cour pendant ses
séjours à Fontainebleau. En outre, comme à Grigny, Ablon et, plus
tard, Charenton, c’était au bord de la rivière, donc accessible
par le "coche d’eau" et les autres bateaux.
Entre
la "plaine de Sermaise", qui va, au nord, jusqu’à la
Seine, et la "plaine de Bois-le-Roi", dans laquelle
commence, au sud, la forêt, se trouve un plateau plus long que large.
Dans la partie du village située sur le flanc septentrional de ce
plateau est l’église catholique. Le quartier méridional, le "Bout-d’en-Haut"
ou les "Hautes-Loges", était sur le plateau même. C’est
là, à l’extrémité de la Grande Rue, appelée plus tard rue de
France et aujourd’hui Guido Sigriste, que fut fixé l’emplacement
du "lieu d’exercice". Il existe encore là une rue de la
Prêche, une des rares voies qui n’aient pas changé d’appellation
depuis quatre siècles*, tandis qu’à côté, le
"sentier des Ministres" est devenu "chemin des
Signaux", puis "rue Colinet", entre le Pavé-de-la-Cave
et la rue Denecourt.
Ce
lieu était facile d’accès pour les fidèles venant en carrosse, à
cheval ou à pied par la "route de Bourgogne", toute droite
entre les deux carrefours forestiers de la Table du Roi et de la Croix
de Toulouse. Lorsque l’on allait de Fontainebleau à Paris, un
premier relais se trouvait précisément vers la maison forestière
actuelle, dite de Bois-le-Roi. Sur la carte de Cassini, au XVIIIe
siècle, on voit clairement un espace blanc entouré de trois côtés
par la forêt, (sauf vers la Seine), et, en dessous les unes des
autres, les indications suivantes :
1°)
Le dessin d’une église ;
2°)
Les mots Bois-le-Roy ;
3°)
Les mots Hautes-Loges ;
4°)
Le dessin d’une chapelle, plus petite que l’église.
L’espace
libre va jusqu’à la route de Bourgogne, qui, sur ce point, limite
alors, comme aujourd’hui, la forêt.
En
bien des cas, une chapelle** a été construite à l’emplacement
des temples démolis lors de la Révocation de l’Edit de Nantes. Ce
plan, en tout cas, donne une idée très exacte de la façon dont le
temple pouvait être vu depuis la route de Bourgogne, étant situé au
bord du plateau, en l’un de ses points les plus élevés.
Avant
de chercher, sur les lieux actuels, l’emplacement exact du temple,
nous déterminerons d’abord l’emplacement du cimetière. Il semble
même qu’il y ait eu successivement deux cimetières, le premier,
sans doute, s’étant trouvé bientôt entièrement rempli.
Les
principaux vestiges des temps passés subsistant à la surface du sol
sont un puits. Montons la rue Guido Sigriste, jusqu’au carrefour où
elle cesse de s’appeler ainsi, et devient la rue Désiré Bourgoin.
Avant d’arriver au carrefour, à gauche, voici un grand champ plus
élevé que la route, avec un puits flanqué de deux petits murs en
vieilles pierres. C’est un "puits commun", auquel les
habitants placés sur la rue avaient libre accès. Ensuite, une maison
basse, qui ne se trouve plus à l’alignement de la rue
actuelle ; le long de la rue, les fondations d’un mur ancien
ont 1,20 m de hauteur et 0,60 m de largeur. D’après une tradition,
d’ailleurs sans preuves certaines, on a cru que là se trouvait un
cimetière, entre le puits, peut-être, et la rue de la Prêche, qui,
à gauche, porte ce nom jusqu’à la scierie, au sud-est.
A
droite, elle s’appelle aussi de même. Il y a là en face la
propriété Brouillot, à l’angle nord-ouest du carrefour, une
maison moderne avec jardin clos d’un mur moderne également.***
Mais, contre ce mur, est un édicule, à une quinzaine de mètres
de la rue G. Sigriste, et large d’environ un mètre et demi. Il
surmonte une fosse dans laquelle ont été accumulés les
ossements. Une première découverte fut faite, en 1861, par M.
François Cribier, creusant pour établir l’escalier de sa cave.
Lorsque
les ponts et chaussées établirent le niveau actuel des rues***,
en 1876, M. Auguste Cribier dut abaisser le niveau de sa
cour ; il eut la surprise de découvrir alors un grand nombre
d’ossements. Les uns étaient dans le jardin actuel, les autres
sous le sentier des Ministres, appelé ensuite rue de la Prêche,
qui était alors beaucoup moins large que la rue actuelle. A.
Cribier fit en 1906 de nouvelles fouilles :
perpendiculairement à la rue, vers laquelle se trouvaient les
crânes, douze squelettes, répartis sur deux rangs, furent
exhumés ; plusieurs de grande taille et avec de belles
dents, provenaient probablement de ces hommes d’élite qu’étaient
les gardes suisses ou écossais.
Le
11 novembre 1606 meurt à Fontainebleau Andrew Tyrie, soldat de la
Garde Ecossaise. Ailleurs, on trouva des monnaies qui parurent
"allemandes". Aucun autre vestige que de gros clous et
des fragments de bois provenant des cercueils ; aucun bijou,
aucune pièce de métal, ce qui est conforme à la simplicité des
inhumations selon la discipline réformée. Que faire de ces
restes ? Supposés hérétiques en raison du voisinage
immédiat de la rue de la Prêche, ils ne pouvaient être
réinhumés en "terre bénite" dans le cimetière
paroissial. M. Cribier, en 1876, les mit dans une fosse qu’il
reboucha ensuite.
En
face la fosse cimetière, un grand champ appartient en 1938 à
Melles Leclère. On y a trouvé, à une certaine distance de la
rue de la Prêche, de grosses pierres, que l’on a supposé à
tort être les fondations du temple détruit.
Mais
l’appellation "rue de la Prêche" était autrefois
réservée à la partie située de l’autre côté de la rue
perpendiculaire à celle-ci****. Une autre hypothèse est
donc plus vraisemblable, et même certaine : de l’autre
côté d’un petit champ appartenant aussi à Melles Leclère, se
trouve un "Clos Chomart". Ces deux terrains, réunis
autrefois, ont été partagés en trois bandes parallèles à la
rue de la Prêche, et portent sur le plan cadastral de 1817, les
cotes 913, 913 bis et 913 ter. Or, dans les pièces cotées 913 et
913 bis, les plus rapprochées de la rue, M. Brunel, en creusant
une cave en 1890, a retrouvé parallèlement à la rue, un gros
mur de fondation qui paraît bien avoir été celui du temple.
Sur
le plan cadastral de 1848, c’est sur parcelle 2894. La parcelle
2895, à l’angle des deux rues, appartient en 1848 à la famille
Varly, déjà citée un siècle auparavant dans un document qui
situe définitivement le temple : dans un acte du 17 juin
1743, par-devant Me Jean Tribou, notaire à Fontainebleau, il est
question de "huit perches de terre derrière la
prêche". Un acte enregistré à la Généralité de Paris en
1774, parle du "Jardin de la presche"1.
Il
se serait donc trouvé en partie sous l’actuelle Villa des
Ecouettes .
La
maison Brunel (Durier en 1938) aurait été bâtie en partie avec
des pierres de fondation du temple, au point le plus élevé du
Clos Chomart, qui probablement, représente dans certaines de ses
limites, l’enclos du temple.

* *
*
Les
réformés furent mis en possession du terrain en 1600. Sans
doute, le temple, modeste édifice rectangulaire, était-il
construit dès 1601.
C’est
l’époque où, pour manifester son égal intérêt pour les
édifices consacrés au culte dans les deux Eglises, Henri IV
posait la première pierre de la Cathédrale Sainte-Croix d’Orléans,
que l’on allait reconstruire (18 avril 1601).
Il
existait en tout cas en 1607 : un pasteur dauphinois,
éloquent orateur venu alors à la cour, note dans son journal qu’il
y alla prêcher deux dimanches de novembre. Il y a aussi, au moins
pendant les séjours de la Cour, un service le jeudi. Les actes
pastoraux, baptêmes et mariages, sont célébrés après le
culte.
La
surface semble correspondre à un auditoire d’une centaine de
personnes au plus.
Quant
à l’apparence extérieure, on peut la supposer analogue à
celle d’un autre temple de la Brie de la même époque, celui de
Chermont, près de Nanteuil-les-Meaux. Le Musée du protestantisme
français possède un document, unique en son genre, où l’on
voit, contre le pignon, les Tables de la Loi (A), et, des deux
côtés de la porte (H), les "boites à Perette" (FF),
ou troncs destinés à recevoir les dons des fidèles.

Le Temple de
Chermont.
D’autre
part, en Seine & Marne également, l’église paroissiale de
Claye (Claye-Souilly) est l’ancien temple (1)
: murs bas percés de
petites fenêtres cintrées, toit en forte pente, voûte polygonale.
Dès 1601
exista donc l’Eglise réformée de Bois-le-Roi. On ne disait pas
officiellement : de Fontainebleau, comme on ne disait pas : de Paris, mais, de
Charenton.
Dans le
temple "il n’y avoit presque personne la plupart de l’année",
constate Elie Benoit, historien de l’Edit de Nantes, et il ajoute : "Le
ministre avoit résidé longtemps à Paris, quoiqu’il y eût quatorze lieues
de distance. Mais quand le roy étoit a Fontainebleau, l’église étoit fort
grosse, à cause que tous les Réformez qui suivoient la cour alloient faire
leurs exercices, et le lieu n’étoit pas si éloigné qu’ils ne pussent en
un même jours s’acquitter des devoirs de la religion et de ceux de la
sujétion envers leur Prince. "
Pour donner à
ces gentilshommes et hauts fonctionnaires un pasteur qui sût vivre parmi eux,
on choisit souvent dans la petite noblesse : G. de Soulas, E. de
Courcelles, F. de Prez.
A suivre
*
Le texte reproduit dans ce document datant de la première moitié
du XXe siècle, il se peut que les noms de certaines voies soient
différentes aujourd’hui (2001). En revanche, les rue de la
Prêche et G.Sigriste existent toujours. J’ai, afin de faciliter
la lecture, actualisé les indications temporelles et indiqué les
numéros des routes. (O.E.)
**
Ou, suivant l’importance du temple, un couvent, comme ce fut le
cas à Charenton. (O.E.)
***
Indications datant de 1938. (O.E.)
****
Rues Désiré-Bourgoin et Guido Sigriste.
1
Documents Cribier. D’après l’emplacement d’une pierre
de taille semblant dans le prolongement du mur de fondation
susdit, M. Burgat estime à 9 mètres la dimension du temple
de ce côté, et sa largeur à 5 mètres. (Note de l’auteur)
(1)
Cette information est à prendre au conditionnel : si, en
effet, l’architecture de ce bâtiment évoque beaucoup celle d’un
temple réformé, rien, a ce jour ne prouve qu’il fut
effectivement un lieu de culte protestant. Cette église aurait
en effet été consacrée, et ce dès sa construction, au culte
catholique. (Source : appel téléphonique du 20 juin
2001.)
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