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Etant moi-même de confession protestante réformée, j’ai souvent
du répondre à des interrogations, parfois sérieuses (« Oh,
c’est joli ! C’est quoi ? » ou « Tu es Juif ? »),
mais aussi, d’autres fois, totalement saugrenues : « C’est
la Légion d’Honneur ? » ou bien « C’est la croix
allemande ? » (Sous-entendu, je pense, pour cette dernière
question, la Croix de Fer ou Eisernes Kreuz, célèbre décoration
militaire allemande, correspondant approximativement à la Croix de
Guerre française.) Je ne vois pas bien quel mérite aurait pu me
faire attribuer la Légion d’Honneur ! Quant à l’E.K.
j’aurais eu beaucoup de mal, vu mon âge et mes origines françaises,
à combattre dans l’armée allemande !
Soyons
sérieux et revenons à notre sujet !
Cette
croix est exclusivement un signe de reconnaissance pour les
Protestants de France, et plus particulièrement ceux issus du courant
réformé, autrement dit, calviniste. 1
Il ne s’agit pas d’un objet « pieux », la
sacralisation des choses et des lieux n’ayant absolument pas cours
dans les églises de la Réforme2. Alors,
pourquoi ce signe particulier ?
Il s’agit en fait, à l’origine, d’une sorte de défi ou de
provocation (pacifique !) à l’ordre établi : même après
l’Edit de Nantes, en 1598, les protestants furent toujours systématiquement
exclus du droit d’être reçu dans les Ordres de Chevalerie, tel
l’Ordre du Saint-Esprit3, créé par
Henri III en 1578 ou de l’Ordre de Saint-Louis, institué par Louis
XIV le 5 avril 1693. (Pour ce dernier, créé près de huit années
après l’édit de Fontainebleau, on le comprend aisément !)
Plus tard, en 1759, Louis XV créa le Mérite Militaire, décoration
destinée, cette fois, à récompenser exclusivement les officiers
protestants. Mais les récipiendaires n’étaient pas des Français
d’origine : il s’agissait de descendants de huguenots établis
hors de France après la Révocation, et servant le roi dans des régiments
étrangers.
C’est
aux alentours de 1688 que Maystre, orfèvre nîmois protestant, eut
l’idée de créer un insigne, à l’usage des seuls « parpaillots »,
un insigne dont la forme serait familière mais dont les détails et la
disposition particulière permettrait de rappeler, sans toutefois les
copier, les décorations interdites à ses coreligionnaires :
c’est ainsi qu’il conçut l’idée de suspendre une colombe à une
croix de Malte fleurdelisée.

Croix de l’Ordre du Saint-Esprit.
Les
protestant s’enthousiasmèrent très vite pour ce bijou, dérivé de
la plaque qui ornait la poitrine de leurs principaux adversaires. Ce
fut, pour eux, une façon d’affirmer, face à l’élite que représentaient
les cent chevaliers de l’Ordre du Saint-Esprit : « Dieu a
promis de répandre son Esprit sur toutes les créatures ! Le
sacerdoce est universel et vous n’avez pas le monopole du
Saint-Esprit. Nos prophètes, nos inspirés, le possèdent autant, et,
peut-être, plus que vous-même ! »
C’est
ainsi que de nombreux protestants adoptèrent cet emblème, de préférence
à la croix latine, dont le caractère « papiste » était
trop affirmé.
Détail des symboles
Les fleurs de
lys, par lesquelles les Protestants, malgré les persécutions,
tenaient à affirmer leur attachement au Roi.
Rai
de lumière, qui est une évocation de la Trinité
La
colombe,
venant du ciel la tête en bas et symbolisant l’Esprit-Saint. C’est
aussi un hommage à la puissance de Dieu venant habiter le cœur de
l’Homme. C’est aussi la messagère de la délivrance, en référence
au texte biblique du Déluge.
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