La tante de Péronne avait peu de religion,
mais les prêtres étant persécutés, elle se ralliât à leur cause et le neveu du
servir un prêtre réfractaire. Il fut un très mauvais enfant de cur et comme il ne
manifestait guère plus dintérêt pour le travail de garçon de cabaret, la bonne
tante le plaça en apprentissage chez un orfèvre qui au lieu de lui apprendre le métier,
lentretenait de ses amours.
De son établi il passa saute-ruisseau
chez un notaire devenu juge de paix, qui fonda un collège dans lequel les enfants
élisaient entre eux des juges, des membres de district, un maire, des officiers
municipaux, un juge de paix, qui tous devaient fonctionner dans un cercle de pouvoirs
conformes aux besoins dune association de marmots, dont le plus âgé avait
peut-être quinze ans. Quant à linstruction on ny songeait guère. Le
fondateur de cette institution, Monsieur de Bellenglise, que Béranger appelle "un
Fénelon républicain", aimait beaucoup son élève et dans son affection prédit que
lenfant se ferait un jour remarquer.
M.de Bellenglise fit entrer Béranger
dans limprimerie que le libraire Laisnez venait de fonder et où il resta deux ans
prenant goût aux travaux de la typographie, mais napprenant toujours pas
lorthographe. Cest là quil séprit damour pour la muse à
laquelle il demeurera fidèle jusqu'à son dernier jour. Il avait depuis longtemps, le
goût de la poésie et il écrira plus tard :
- "A douze ans, incapable de
deviner que les vers fussent soumis à une mesure quelconque, je traçais des lignes
rimées tant bien que mal, mais de la même longueur, grâce à deux traits de crayon,
tirés de haut en bas du papier, et je croyais faire des vers aussi réguliers que ceux de
Racine".
Sur ces entrefaites, Monsieur de
Béranger Père venu à Péronne fut scandalisé des opinions de son fils si opposées aux
siennes et décida demmener Pierre Jean avec lui à Paris, où, réuni à sa femme,
il allait fonder un établissement de banque. Le fils devint en dix mois un financier
habile quand il perdit sa mère, et les affaires de son père après avoir été fort
lucratives, se trouvèrent tout à coup, presque suspendues, par suite dévénements
extérieurs et de la politique ultra royaliste de celui-ci, qui se compromit avec des
conspirateurs tels que Bruthier, la Vilheurnoy et Bourmont.
Le jeune homme réduit à vendre
des journaux et à tenir une sorte de cabinet de lecture, de plus en plus pauvre, mais
riche denthousiasme, senflamma pour le vainqueur de lItalie, quil
contemplait avec admiration dans la rue Chantereine, où le général habitait
lhôtel contigu à celui de M. de Clermont-Gallemende chez qui Béranger avait été
introduit par son noble père.
Les affaires allèrent de mal en pis
(1798), pour se consoler dans sa detresse, Béranger eut recours à la poésie, il
sy livre avec passion :
-
"Javais jusqu'à lors rimaillé sans suite, dit-il, et sans buts ; enfin
un véritable amour de la poésie vint semparer de moi. Quoique toujours très
faible en grammaire, je me mis à étudier tous les genres, à les essayer à peu près
tous, et parvins, en peu de temps, à me faire une poétique complète que jai sans
doute perfectionnée depuis, mais qui na presque pas variée dans les règles
principales"
La nostalgie de son séjour à Péronne
inspirera à Béranger cette chanson : |