A l’époque du
Grenier Béranger chanta ses amours. Il a rendu
immortelle une femme idéale : sa Lisette, qu’il
s’est plu à décrire, sans songer à représenter sa
compagne réelle.
Un
biographe Th. Bernard dans son ouvrage "La Lisette de
Béranger" nous dit : Il a même affecté d’établir
une différence physique entre la Lisette de son imagination
et sa maîtresse chérie. Béranger chante les yeux noirs de
l’une, tandis que la vraie avait les yeux bleus.
La Lisette idéale est une femme sans prétention, comme son
nom l’indique, c’est la grisette parisienne de 1820,
travaillant la semaine dans sa mansarde, et, le dimanche,
mettant des robes d’indienne et une joli bonnet pour s’en
aller dîner à la butte Montmartre ou au Pré-Saint-Gervais.
Béranger
a quelque peu, à dessein, altéré le type de la grisette tel
il existait sous la restauration ; car si elles se
passaient volontiers du maire et du curé, elles n’étaient
pas aussi débauchées que la littérature de l’époque nous
les décrivait, attachées à l’étudiant qu’elles avaient
choisi, elles partageaient ses peines, ses chagrins, ses
espérances et même ses instincts politiques.
A
mesure que les années avancent, que les folies de la jeunesse
s’évanouissent, le type de Lisette s’épure, et il finit
par devenir identique avec la réalité.
Béranger
s’inspirant de Ronsard écrit :
Vous
vieillirez, ô ma vieille maîtresse !
Vous vieillirez, et, je ne serai plus,
Pour moi, le temps semble, dans sa vitesse,
Compter deux fois les jours que j’ai perdus.
Survivez-moi,
mais que l’âge pénible
Vous trouve encor fidèle à mes leçons ;
Et bonne vieille, au coin d’un feu paisible,
De votre ami répétez les chansons. |
Une
femme, l’amie des premiers jours a vieilli auprès du
poète, elle l’a précédé de trois mois dans la mort,
après lui avoir consacré, pendant plus de quarante ans, tout
son cœur, son dévouement et son admiration.
Elle
s’appelait Judith Frère, c’était une Parisienne, fille d’un
maître d’armes de la rue Montorgueil. Elle possédait
quelques petites rentes.
On
la décrivait comme une charmante personne, d’une taille
moyenne, aux yeux bleus, aux cheveux blonds, avec une voix
sympathique. Toutefois au fil des ans elle adopta une
démarche plus hautaine, sans doute cette attitude était elle
en relation avec sa position ambiguë vis à vis de Béranger.
Elle affectait la dignité, pour que les autres ne la
soupçonnent pas d’en manquer.
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